Philippe Meirieu, votre « riposte » est un coup de poing dans le vide

Ramin 2016 bis


Ramïn Farhangi
 – cofondateur de l’école dynamique et du Village de Pourgues. Auteur du TEDx et du livre pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent. Ramïn propose une formation pour les porteurs de projets d’écoles et de villages d’inspiration Sudbury.

 

Philippe Meirieu,

Suite à l’émission animée par Louise Tourret le dimanche 9 septembre sur France Culture (cf podcast), j’ai trouvé que notre débat mérite des prolongations. Je tiens à ce que nos auditeurs et nos lecteurs comprennent mieux l’ampleur de l’abysse qui nous sépare concernant notre vision de l’enfant et les finalités de l’éducation. En résumé :

Vous soutenez une vision qu’on peut qualifier de « verticale ». Le philosophe Alain est votre référence. Vous le citez p.186 : « former des sujets capables de résister à la toute-puissance pulsionnelle, d’oser penser par eux-mêmes, et de s’engager ensemble dans la construction démocratique du bien commun ». Votre métaphore de l’éducateur est un Gepetto qui transforme une matière informe et inerte en un Pinocchio autonome. L’enfant serait :
– un capricieux soumis à des pulsions primaires. Il faut l’accompagner sur un chemin de croix que l’éducateur aura tracé pour lui, afin d’induire en lui la patience et l’effort.
– un sauvage ignorant, incapable de raisonner et de réfléchir. Il faut le civiliser en lui transmettant une culture sélectionnée par les académiciens, afin d’induire en lui un esprit rationnel et critique.
– un égoïste à qui il faut enseigner l’empathie et la coopération, l’esprit humaniste et démocratique.
Sans l’intervention d’un pédagogue, l’enfant resterait à l’état de bête, valant presque autant que le mort qu’il était avant d’arriver au monde, voire pire. Les adultes ont donc le devoir de guider l’enfant jusqu’à l’extraire de cette condition primaire et faire de lui un citoyen compétent et cultivé.

Je soutiens une vision qu’on peut qualifier « d’horizontale ». Ma référence est Daniel Greenberg : « la nature dote chaque jeune membre de toute espèce vivante les outils dont il a besoin pour devenir un adulte autonome. » L’enfant a fondamentalement besoin de construire des liens avec son environnement pour développer toutes les facultés et savoirs nécessaires à son autonomie. En suivant ses instincts de base, l’enfant explore, joue et bavarde librement. Il noue ainsi des relations avec son entourage, essentiels à son auto-construction et la mise en relation avec le vaste réseau d’interdépendances qui forment le vaste monde.

Sciemment ou pas, la grande majorité d’entre nous a vécu une approche éducative se basant à moitié sur le paradigme vertical, à moitié sur le paradigme horizontal. D’une part, nous nous sommes laissés guider par les objectifs fixés par le corps enseignant et par nos parents. D’autre part, nous avons mené une vie ordinaire d’enfant qui explore, qui joue et discute librement avec ses semblables.

Il est donc impossible de savoir, sur la base de notre propre expérience, si la première ou la deuxième thèse est juste. Nous nous sommes soumis à tellement d’interventions pédagogiques et avons tellement joué durant notre enfance que nous n’avons pas le vécu suffisant pour conclure assurément que l’intervention pédagogique et/ou le jeu libre sont indispensables pour devenir un individu autonome (j’ose imaginer que nous sommes d’accord que là est la finalité de l’éducation dans une démocratie aujourd’hui, et que nous en avons fini d’attendre du système éducatif qu’il fabrique des travailleurs obéissants pour développer notre puissance économique et militaire collective).

Suffisamment de faits indiquent que l’intervention pédagogique est loin d’être indispensable, alors que le jeu et le bavardage sont absolument indispensables à l’éducation d’un enfant.

Je cite le chercheur Peter Gray (traduit depuis American Journal of Play, volume 3, number 4, p.456) :

« Des expériences dans lesquelles des jeunes singes rhésus et des jeunes rats ont été privé de jeu sont instructives. Lorsqu’ils sont privés de partenaires de jeu durant une phase critique de leur développement, ces animaux sur-réagissent plus tard à des situations de stress, et pour cette raison, ils n’arrivent pas à s’adapter. Ils montrent un comportement excessivement peureux et agressif. »

Heureusement, il ne viendrait à l’idée d’aucun parent de priver totalement ses enfants de jouer. Mais malheureusement, le temps accordé au jeu libre a eu tendance à être rogné peu à peu aux dépends de toujours plus d’activités dirigées. Peter Gray soutient dans son ouvrage Libre pour Apprendre (2016, Actes Sud) que cela explique directement l’augmentation de troubles psychiques lourds et handicapants chez les enfants (angoisse, dépression, narcissisme). Même pour les tenants les plus zélés de la vision « verticale », la prudence et la modération sont donc de mise. Durant le temps hors-école, il convient de laisser les enfants tranquilles.

Et si on laissait les enfants totalement tranquilles ? Existe-t-il des puristes de la vision « horizontale » ? La réponse est oui, et c’est là que de simples faits vont vous embêter, Philippe Meirieu. Les contre-exemples se multiplient depuis des dizaines d’années, prouvant à chaque fois un peu plus que l’école, les pédagogues et enseignants sont loin d’être incontournables. Des enfants ordinaires issus de la banale classe moyenne qui ont grandi dans des familles radicalement non-scolarisées ou au sein d’écoles Sudbury sont aujourd’hui des personnes largement autonomes et satisfaites. Durant plusieurs années voire toute leur enfance, ils ont pu choisir leur vie, leurs centres d’intérêts et leur formation comme le ferait un adulte en année sabbatique. Ils n’ont subi aucune coercition pour étudier telle matière ou tel sujet, et d’ailleurs, la grande majorité n’a jamais ouvert un manuel scolaire avant que cela devienne nécessaire pour intégrer une filière sélective.

Je vais citer deux exemples récents de chez nous (la France) parmi des milliers d’autres, prouvant qu’on peut se passer d’une scolarité conventionnelle et en déjouer les codes malgré tout lorsque cela devient nécessaire :

  1. L. est arrivé à l’école dynamique après une année de sixième désastreuse. Plus aucun prof ne voulait avoir affaire avec ce cancre notoire qui mettait la pagaille en classe et défiait leur autorité. Durant l’équivalent de sa 5ème, il a principalement joué aux jeux vidéo. Durant l’équivalent de sa 4ème, il a principalement discuté avec ses amis. Deux années sans ouvrir un manuel scolaire, qui pourraient porter à croire qu’il est définitivement perdu, et qu’il finira inculte et dépendant du RSA. Durant l’équivalent de sa 3ème, il prépare son brevet en étudiant de manière autonome et en prenant des cours particuliers selon ses besoins. Il obtient une mention Très Bien et il est admis dans une filière sport-études, lui ouvrant potentiellement des portes vers une carrière de volleyeur professionnel.
  2. A. a grandi dans une famille dont le père est informaticien, la mère ex-enseignante au collège-lycée. Elle n’est jamais allée à l’école et n’a jamais ouvert un manuel scolaire. Elle a grandi à Paris auprès de personnes authentiques, sans intentions pédagogiques, laissant libre court à ses envies spontanées, au contact de la culture ambiante (famille, amis, société au sens large). À 17 ans, elle souhaite passer le bac L, comme ça, juste pour voir ce que font les jeunes de son âge et qui cause tant de tracas. Entretenant peu d’attente de le réussir, elle se prépare à peine (elle a compté environ 150 heures de travail en tout). Elle l’obtient au rattrapage, invalidant la nécessité de passer par quinze années d’exercices scolaires « obligatoires » à temps plein. Et qu’on se rassure, elle n’a rien d’une sauvageonne capricieuse, égoïste et inculte.

D’ailleurs, aucun des enfants qui a shunté l’école n’est resté dans un état sauvage, « soumis à la toute-puissance pulsionnelle ». Vous pensez réellement qu’une telle chose est possible lorsqu’on grandit parmi ses semblables, avec ou sans école ? Cette théorie s’est-elle vérifiée ne serait-ce qu’une seule fois ?! Pour avancer une thèse aussi audacieuse, n’avez-vous pas le devoir, en tant que scientifique, de prouver avec des données réelles que l’absence d’enseignement et de pédagogie mène aux conséquences que vous attendez intuitivement ? Aujourd’hui, vous devez admettre que rien ne prouve l’hypothèse « verticale ».

Je peux vous mettre en contact avec L. et A. si vous souhaitez obtenir l’information de première main, et vérifier par vous-mêmes qu’il ne s’agit pas d’extraordinaires génies, mais d’enfants ordinaires qu’on a osé laisser complètement tranquilles.

Cela peut être impensable, inacceptable pour l’ego en vous qui voudra se battre pour préserver une croyance qui vous rend indispensable à notre société. Je connais cet ego, et je l’ai en moi aussi. J’ai du mal à admettre l’idée que la société n’aurait fondamentalement pas besoin de moi. Et pourtant, surmonter cela et accepter l’obsolescence de son propre rôle est la base même du progrès et de la liberté.

Je fais donc appel au chercheur scientifique rationnel qui est en vous. Celui qui ne fuit pas face à des faits qui remettent sa théorie en question. Lorsque des contre-exemples s’accumulent, on questionne l’hypothèse de base et on creuse davantage. C’est la promesse de base de la Science : ne jamais cesser de se remettre en cause.

Je fais aussi appel à l’intellectuel, à l’historien que vous êtes. La fonction la plus importante et décisive de l’étude historique n’est-elle pas de comprendre l’origine du monde qui nous entoure, pour éventuellement s’en libérer et envisager d’autres options pour l’avenir ? Par exemple, les enfants de 5-6 ans posent des additions et entrent dans la lecture. Ordinaire et apparemment évident. Mais pourquoi cette activité précisément, et pourquoi à cet âge là ? Rien ne prouve que l’on doive absolument imposer cela pour garantir l’avenir d’une personne. C’est un héritage de l’Histoire. La massification de l’école et la généralisation de cette pratique s’est déroulée sur la deuxième moitié du XIXème pour combler les besoins de la nation industrielle. L’enfant-élève s’est tellement établi comme une évidence que quelques générations plus tard, des scientifiques comme Piaget n’avaient pas d’autres moyens de penser l’enfant autrement qu’en élève. La théorie des âges sensibles et la croyance populaire « le plus tôt le mieux » relèvent de la post-rationalisation et du syndrome de Stockholm (« on m’a immobilisé et tu à l’encontre de ma nature d’enfant ; on m’a imposé tous ces exercices scolaires pendant des années et des années… Il y a sûrement une raison scientifique valable pour justifier une telle privation de liberté ! »). C’est la perpétuation inconsciente d’une vieille habitude.

Ceux qui ont compris l’origine historique des exercices de CP peuvent se libérer de ce poids et penser l’enfance autrement. Nos vies ordinaires pullulent d’héritages d’un passé commun qui n’ont pas forcément lieu d’être. Sur ce sujet, je vous invite à lire votre brillant collègue israélien Yuval Noah Harari et son chef d’oeuvre Homo Deus (Albin Michel, p.71-78 – une brève histoire des pelouses). Les deux livres de Harari sont incontournables.

L’esprit critique est justement la capacité à identifier nos fictions communes à l’origine du fonctionnement de notre société, s’en défaire et ainsi accéder à la plus créative et la plus puissantes de toutes les œuvres humaines : établir de nouveaux récits fondateurs. C’est ce qu’on fait les cofondateurs de Sudbury Valley School (SVS), en cassant l’équation historique « enfant = élève » tout comme nous avons collectivement fini par casser l’équation « femme = ménagère ». Des enfants totalement libérés du mythe de l’école, donc de toute coercition ou toute intervention pédagogique. Saviez-vous que les jeunes de cette école ont appris à lire/écrire quelque part entre 4 et 13 ans par tâtonnement, sans méthode clairement identifiable, comme on apprend à marcher et parler, alors qu’ils étaient plus de 15% de dyslexiques ? Voilà qui devrait remettre en cause l’absolue nécessité de passer par un enseignement planifié, structuré et contrôlé par des professeurs diplômés pour apprendre à lire/écrire aujourd’hui. L’expérience SVS nous indique qu’il suffirait que les enfants grandissent parmi des lecteurs/scripteurs.

Philippe Meirieu, cette chronique est déjà bien longue alors que j’ai encore tant à dire à propos de ce que vous écrivez au sujet de ce que vous appelez les hyperpédagos, qui prônent la liberté et le « respect absolu de l’enfant » (p.66). J’ai donc d’abord pensé que j’étais inclus dans le lot, jusqu’à lire p.74 :

« Mais où sont précisément les hyperpédagos ? On pourrait se débarrasser assez facilement de la question en répondant – ce qui, après tout, est loin d’être faux : dans l’air du temps. Ils imprègnent la pensée éducative un peu partout et, en même temps, on ne peut les localiser vraiment nulle part. Effectivement : si le discours hyperpédago envahit l’espace public et médiatique, s’il devient la référence obligée chez les bourgeois plus ou moins bohèmes et séduit très largement la classe moyenne, on peine à trouver des personnes qui l’incarnent vraiment et le mettent en pratique. »

J’en conclus donc que vous ne parlez pas de moi, qui ai cofondé l’école dynamique en 2015, et que vous avez pu voir en chair et en os. Si vous confirmez néanmoins que vous m’incluiez dans le lot des hyperpédagos, il me faudrait procéder à un sérieux exercice de débunkage des pages 63-67 de votre livre. Vous seriez pris en flagrant délit d’ignorance d’un sujet que vous avez pris le risque de traiter, et que vous connaissez visiblement mal.

J’en conclus donc, pour m’efforcer de rester bienveillant, que vous ne parlez pas des 40 écoles démocratiques qui se sont développées depuis 2014 en France, concernant environ 700 jeunes membres bien réels, et qu’on peut localiser tout simplement sur notre site www.eudec.fr.

Vous dîtes vouloir entrer « dans l’arène » (titre de votre partie II)  et engager la controverse, mais avec qui au juste ? La bonne nouvelle est que j’existe et que j’incarne bel et bien l’esprit d’une liberté totale et d’un « respect absolu » de l’enfant. Pourquoi donc continuer à vous battre contre des moulins à vent ? Aujourd’hui, j’accepte volontiers l’invitation de vous rejoindre dans votre « arène ». Je me propose d’être votre premier adversaire, prêt à me battre dignement.

J’aimerais terminer ce premier round en resituant cette controverse dans l’Histoire, plutôt que de s’embourber dans des discussions secondaires du genre « faut-il absolument lire Victor Hugo quand on a 16 ans ? ».

Dans cet affrontement entre la vision « verticale » et « horizontale », tout semble converger logiquement vers le paradigme « horizontal ». Tout comme pour le progrès du mouvement féministe, dont vous avez pu témoigner au cours votre vie, il est impensable de stagner ou de retourner en arrière. Nous continuerons d’aller vers toujours plus d’égalité homme-femme. Par extension, quelle que soit la « minorité » concernée, on ne peut que aller vers plus de liberté individuelle et plus d’égalité des droits. Il serait impensable aujourd’hui que des professeurs se remettent à frapper des élèves avec des coups de règle, n’est-ce pas ?

Ainsi va le projet inarrêtable de la démocratie libérale, de notre devise républicaine, de l’article 1 de toutes les déclarations. C’est ainsi que se résoudra la contradiction dans l’injonction « obéis pour devenir un citoyen libre » (notre collègue Daniel Marcelli l’a bien exprimé sur France Culture, et j’en parle dans mon livre). Je ne suis qu’un simple catalyseur d’un mouvement qui est déjà largement lancé. Demain, il sera impensable de regrouper des enfants du même âge, les immobiliser dans une salle et (essayer de) les couper de toute interaction entre eux et avec le monde réel. Il sera impensable de penser leur vie à leur place et fixer leurs objectifs. Nos arrière-petits-enfants reconnaîtront ce processus comme le plus anti-éducatif qui soit. Ils diront de nous que nous étions victimes d’une fiction établie de la mission civilisatrice de l’école, tout comme nous étions quelques siècles auparavant pris au piège d’une fiction commune de la mission civilisatrice de l’Afrique.

Alain, votre père philosophique, est un colon de l’enfance, et Daniel Greenberg, mon père philosophique, a déclaré leur indépendance. L’Histoire ira certainement dans le sens de la vision que propose Greenberg. Il ne peut en être autrement si nous prenons réellement au sérieux le projet démocratique.

 

 

 

8 réflexions sur “Philippe Meirieu, votre « riposte » est un coup de poing dans le vide

  1. « il ne s’agit pas de laisser les enfants faire ce qu’ils veulent mais de les aider à vouloir ce qu’ils font »
    (PhilippeMeirieu – Le plaisir d’apprendre p.62)

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    1. C’est justement là la base même de notre désaccord. Je soutiens que rien ne justifie de les « aider à vouloir » (comprendre plutôt les « manipuler pour induire une volonté »). Dans une démocratie, une telle privation de liberté doit absolument être prouvée, elle n’est justifiable que pour des raisons de sécurité fondamentale. S’il n’y a pas de preuve forte comme quoi on doit manipuler les enfants pour leur sécurité, alors le principe de liberté individuelle exige effectivement qu’on les laisse tranquilles et qu’on les laisse totalement faire ce qu’ils veulent.

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  2. Quelle tristesse de voir ces échanges tourner au rapport de force.. Et si la justesse se trouvait dans la « complexité » et non dans cette simple dichotomie du bien ou pas bien… Ne nous laissons pas entraîner sur ce terrain. Surtout quand nous pensons incarner « le changement »… Et si c’était ça le changement : incarner ce qu’on pense, faire ce qui nous semble juste. L’expliquer mais ne pas tenter de convaincre…Juste ETRE !

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    1. La clarification d’un dissensus peut être source d’apprentissage et d’évolution. Il n’y a pas de « bien » ou « pas bien » mais des choix très différents qui se basent sur des visions totalement opposées de ce qu’est un enfant et quels sont ses besoins fondamentaux. La controverse invite à la réflexion, au positionnement de chacun et à la liberté de choix. Tomber dans un consensus mou comme quoi « on est tous plus ou moins d’accord » est l’ennemi même de la réflexion, de la remise en question et de l’évolution. Juste incarner et être sans raconter le récit de ce qu’on est et ce qu’on fait, sans rentrer dans des débats qui chatouillent et qui peuvent heurter, c’est renoncer à une gigantesque partie de la vie et tuer une liberté fondamentale, qui est celle d’exprimer son point de vue, aussi choquant qu’il puisse être.

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  3. Bravo Ramin. J’ajouterai une version neuropsy : sachant que chaque individu a un profil cognitif, sensoriel, émotionnel unique, le développement de chaque enfant le sera tout autant. Il n’y a pas de cases mais un continuum de profils, méritant chacun un programme d’apprentissage individualisé (et autonome, qui plus est). Ainsi le système actuel des classes de niveau et leurs enseignements figés revient de mon point de vue à tenter de persister à travailler sur Amstrad.

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  4. C’est facile de n’exposer que des cas pour lesquels le modèle a fonctionné et de laisser dans l’ombre les autres, ceux qui ont été renvoyés d’écoles démocratiques ou qui se sont entendu dire qu’il fallait accepter le modèle ou partir, une phrase qui revient comme un leitmotiv dès qu’une critique, fusse t’elle constructive, arrive aux oreilles de certains fondateurs de ces écoles.

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    1. « C’est facile de n’exposer que des cas pour lesquels le modèle a fonctionné et de laisser dans l’ombre les autres »
      –> Je rappelle que l’objectif n’était pas ici de démontrer que le modèle est universel et marcherait pour tout le monde (d’ailleurs je ne suis pas du tout convaincu que ce soit le cas, mais plutôt qu’il y a une diversité de systèmes adaptés à divers profiles, et je suis contre toute forme de monopole d’une pensée unique en matière d’éducation). L’objectif était de démontrer que le mythe selon lequel le programme scolaire serait universel et absolument incontournable est faux, et qu’il suffirait d’ailleurs d’un seul contre-exemple pour démonter cette thèse. Des centaines de milliers de contre-exemples aux US et des milliers d’exemples en France n’ont cessé de démontrer que le monopole de la forme scolaire conventionnelle est illégitime, et que le paysage éducatif mériterait de se diversifier.

      « ceux qui ont été renvoyés d’écoles démocratiques ou qui se sont entendu dire qu’il fallait accepter le modèle ou partir, une phrase qui revient comme un leitmotiv dès qu’une critique, fusse t’elle constructive, arrive aux oreilles de certains fondateurs de ces écoles. »
      –> Nous n’avons jamais renvoyé qui que ce soit parce qu’il ne serait pas d’accord avec ce qu’on fait. Donc cette chose que vous avez entendu ne concerne pas les écoles démocratiques en général. Lorsque je reçois une critique (comme celle-ci par exemple), le plus habituellement, si je me sens d’humeur, je réponds. Maintenant, imaginez si j’inscrivais mon enfant dans une école conventionnelle, puis que je leur disais : « ce que vous faites c’est de la grosse merde, vous devriez laisser les enfants faire ce qu’ils veulent ». Je pense qu’il ne serait pas étonnant qu’ils me répondent : « cela est totalement opposé à notre pratique. Nous asseyons les enfants, nous les taisons et leur donnons des consignes. Si vous préférez une école où les enfants sont libres, je vous recommande plutôt d’aller voir du côté des écoles démocratiques ». Personne ne serait choqué par ça. Et ça nous arrive donc évidemment, lorsqu’on sent un désaccord sur les bases mêmes de l’école qu’on essaie de co-créer avec les enfants et les familles, de plutôt suggérer de se séparer lorsque ces désaccords sont fondamentaux plutôt que de persister dans l’illusion qu’on arrivera à trouver la manière de créer une école parfaite pour tous et un consensus qui n’existe pas.

      Ce que vous voyez comme du rejet est plutôt une acceptation sereine d’un dissensus et d’une incompatibilité. La plus fondamentale des libertés est de se désengager, de démissionner, de quitter un lieu. Chacun devrait se sentir libre de collaborer avec l’école qu’il veut, et effectivement, si une école n’est pas de son goût, c’est du même ordre qu’un restaurant qui n’est pas de son goût : pourquoi s’obstiner à vouloir la changer pour qu’elle corresponde aux projections d’un parent mécontent ? Si on la met en conformité par rapport à cette attente, alors il y aura toujours d’autres parents qui diront qu’ils préfèrent autre chose. Bref, impossible de mettre tout le monde d’accord, d’où le fait d’assumer de prendre certains positionnements fondateurs dès le départ pour faire en sorte que tout le monde comprenne d’entrée de jeu où ils mettent les pieds, plutôt que de faire semblant d’avoir créé une « école pour tous », ce que prétend l’école gouvernementale par exemple, et ils ont tort de le faire. C’est une tromperie. Il n’existe pas d’école pour tous.

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